ENTRETIEN AVEC PIERRE GOLSE

Au printemps 2021, pendant le confinement, nous avons initié les rencontres en visio avec les « ancien∙nes du Pôle Sup’93 », nos diplômé∙es !

Le moment nous a semblé idéal pour prendre le temps d’échanger sur leurs parcours depuis leurs « années Pôle » et partager ce que chacun∙es avaient retenu de leur expérience au Pôle Sup’93.
 

Pierre, quel musicien êtes-vous devenu ?

Je suis un musicien-enseignant. Je fais des concerts, comme par exemple ce matin avec mon trio (flûte, cor anglais, guitare) pour la Ville de Paris devant des classes de CP : présentation des instruments, découverte de la musique au sens large… Et cet après-midi je vais donner mes cours au conservatoire du 13e arrondissement de Paris, où j’enseigne pour les 1ers cycles jusqu’au niveau pré-professionnel (DEM). C’est une sorte de journée « type ».

Ce métier d’artiste enseignant se décline aussi d’autres manières, car je fais beaucoup de transcriptions, beaucoup d’arrangements pour mon trio, pour les élèves et pour des orchestres professionnels ou amateurs. Je fais aussi de la musique à l’image.

C’est un métier très complet… je fais même de l’organisation de concert, de la logistique, etc.

Pourriez-vous nous détailler ces différentes activités ?

Je suis enseignant au conservatoire du 19e et du 13e à temps plein. Je suis musicien supplémentaire dans plusieurs orchestres : l’Orchestre de Picardie, l’Orchestre de Normandie, l’Orchestre Lamoureux… Je joue avec des ensembles comme « Le concert impromptu »… Je fais aussi de la musique contemporaine avec l’Ensemble Lucilin, dans lequel joue Sophie Deshayes (professeure de flûte au Pôle Sup’93) et avec lequel j’ai pu partir au Japon en tournée. Je vais bientôt aller à Valence avec cet ensemble pour jouer la musique du compositeur Hosokawa.

Je fais également partie d’un trio, fondé en 2017 avec des musiciens rencontrés au Pôle Sup’93. C’est le trio « Lemniscate » avec Maxime Froment à la guitare et Clémentine Buonomo au cor anglais. Maxime, le guitariste, cherchait des musiciens pour monter une pièce qui s’appelle Ecloghe de Mario Castelnuovo-Tedesco. Il nous avait envoyé, à Clémentine et moi, un enregistrement et puis nous l’avons travaillée. Au départ, on ne se connaissait pas vraiment mais on joue toujours ensemble depuis ! Les activités du trio vont de la médiation au ciné-concert ou au concert plus traditionnel. Comme c’est une formation particulière, il y a peu ou pas de répertoire : il n’y a que trois pièces originales. On fait alors des commandes. Dernièrement nous avons passé commande aux compositeurs Christopher Waltham, Stéphane Cem Kiliç et Virginio Zoccatelli, et nous allons créer ces pièces en octobre 2022, en Suisse, et à Paris pour le Festival du hautbois.

D’où vient ce nom, Lemniscate ?

C’est le signe de l’infini ∞ : notre guitariste aime ce genre de références, à la fois drôles et érudites.

Et vos autres activités ?

Pour ce qui est des transcriptions, j’ai fait le Prélude à l’après-midi d’un faune pour l’Orchestre de Normandie, qui est joué assez régulièrement. J’ai fait aussi des airs d’opéra pour l’Orchestre Pasdeloup…

J’ai aussi fait de la composition pour de la musique à l’image. J’ai même gagné un prix en 2018 ! J’ai composé la musique pour un court métrage d’Anne Baillod et Jean Faravel sur le conte d’Andersen, La petite Marchande d’allumettes, que nous avons interprété avec mon trio. J’ai participé à une masterclasse au Festival d’Aubagne en 2018 avec Stephen Warbeck, le compositeur oscarisé de Shakespeare in love.

Je suis très heureux de pouvoir toucher à tout. C’est très enrichissant de pouvoir écrire de la musique, l’interpréter, jouer, expliquer, décortiquer et même la réinventer par la transcription ! Au 13e arrondissement, nous organisons un projet, les « JO de la flûte », une sorte de petit concours interclasses. Pour ce genre de projets, il y a besoin de faire des transcriptions pour un déchiffrage, de faire un quatuor qui soit adapté tant aux petits qu’aux plus grands. Je fais ce genre de choses avec beaucoup de plaisir.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours à la sortie du Pôle ?

J’ai fait mes études au Pôle en même temps que je suivais les classes d’écriture au CNSMD. J’ai eu le DNSPM, puis le DE l’année d’après. L’année de sortie, je suis rentré en formation CA au CNSMD et en Master à Bruxelles, en flûte, dans la classe de Baudoin Giaux. Pédagogie, écriture et interprétation : ce sont toujours les domaines dans lesquels je travaille aujourd’hui.

Avez-vous passé le concours PEA ?

Je n’ai pas pu le présenter car je n’avais pas encore le diplôme, c’est chose faite depuis 2021, place au concours en 2023.

Qu’est-ce que le Pôle Sup’93 vous a apporté ?

Le développement à la fois musical, instrumental et artistique. C’est-à-dire de m’ouvrir à d’autres choses que je ne connaissais pas forcément. Je pense notamment aux cours à l’Université sur le compositeur Xenakis, ou sur les musiques du monde avec Rosalia Martinez. Ce sont des professeurs qui m’ont ouvert à la culture musicale. Je m’étais beaucoup penché sur comment la musique fonctionne de l’intérieur et les cours de musicologie m’ont fait comprendre la place de la musique dans l’histoire. Ça m’a beaucoup intéressé.

Sur le plan instrumental, cela m’a fait évoluer et m’a permis de rentrer dans la formation CA, de rentrer en master, de passer des concours d’orchestre.

Il y eut aussi des rencontres amicales, bien sûr avec la naissance du trio qui est devenu professionnel. La rencontre, aussi, avec Sophie Deshayes, une enseignante qui m’a beaucoup apporté, qui m’a ouvert à tout un pan de la musique contemporaine que je n’avais pas beaucoup développé. Elle m’a aussi donné beaucoup de contacts qui m’ont permis de travailler, de m’insérer professionnellement.

Les stages aussi m’ont beaucoup aidé. J’ai fait mon stage de DE au Conservatoire du 19e et j’y travaille maintenant comme enseignant. Ce n’étaient que quelques heures au départ et c’est aujourd’hui un temps plein.

Le Pôle Sup’93 est un établissement qui m’a permis de jouer avec d’autres. Avant j’étais au conservatoire de Rueil et c’est plutôt un établissement de passage, en tout cas je l’ai vécu comme ça. Il n’y avait pas de « corps » étudiants qui s’écoute, qui s’enrichisse mutuellement. C’est ce que j’ai découvert au Pôle et que j’ai trouvé très précieux : être un groupe d’étudiants, dans un même lieu, avec toutes ses différences qui sont autant de richesses à partager.

Certains projets m’ont marqué. J’ai fait L’Arlésienne avec les classes de théâtre du Studio Théâtre d’Asnières. C’était passionnant. Il s’agissait d’un projet étudiant mais, déjà, il y avait une démarche professionnelle : l’exigence du moment, les répétitions… Et puis il y avait ce lien au théâtre que je n’avais pas encore eu l’occasion de pratiquer. En spectateur j’ai vu les spectacles à l’Académie Fratellini, à Saint-Denis, j’ai suivi le partenariat avec l’IRCAM… Tous ces projets forment au métier de musicien.

Il y a eu aussi les sessions d’orchestre. J’ai un souvenir un peu ému du Kammerkonzert de Ligeti : la partition est d’une difficulté terrible. J’ai eu beaucoup de mal à l’apprendre mais ça a été un des moments forts de mon parcours.

D’autres projets, encore, vous ont-ils marqué ?

J’ai joué le solo du Prélude à l’après-midi d’un faune avec l’orchestre au Conservatoire de Saint-Maur. C’était vraiment une très belle opportunité, un beau souvenir, un beau rêve ! Le projet « 1001 flûtes » aussi, à la Philharmonie de Paris, avec des gens que je côtoie encore comme Shao Wei… Les examens de flûte où j’ai pu rencontrer les jurys invités. Par exemple Michael Schmid, le flûtiste de l’Ensemble Ictus. C’est avec lui qu’on a fait le projet de « flûte circulaire », soutenu par la fondation Lafayette. La flûte faisait (7m80) et était jouée par 4 flûtistes. L’instrument était incroyable, l’idée exceptionnelle. Michael Schmid est un flûtiste qui a beaucoup travaillé le souffle, la respiration, avec le yoga en Inde, des techniques vues dans des ashrams, c’était très enrichissant, en particulier sur l’improvisation libre dans ce lieu magnifique.

Et dans les rencontres il y a eu Sophie Deshayes, mais aussi Isabelle Grandet pour la musique de chambre…

Que diriez-vous à un jeune qui s’intéresse à la formation supérieure et qui pourrait choisir le Pôle Sup’93 ?

Je soulignerais la variété proposée : les projets de l’établissement, la musicologie à Paris 8 - université ouverte sur le monde, à visée politique et sociale.

C’est un cursus très complet : la partie pédagogique et la partie interprète sont des matières qui se complètent et s’enrichissent.

Je parlerais aussi de l’équipe enseignante : les professeurs travaillent en collaboration, proposent des choses et ont des envies pour leurs élèves. C’est une structure qui permet à chacun de se trouver et de trouver ce qu’il cherche, ce qu’il a envie de faire. Ça peut être interprète, ça peut être interprète-enseignant, devenir musicologue… Le Pôle permet de construire un musicien au sens large. Qui plus est dans un lieu proche de Paris et de tout ce qui s’y passe, c’est vraiment très très bien !

Diplômé du Pôle Sup'93 -
DNSPM & DE en 2017
Musique classique, romantique, moderne, et contemporaine.
FLÛTE TRAVERSIÈRE