ENTRETIEN AVEC CLAIRE DEMEULANT

Au printemps 2021, pendant le confinement, nous avons initié les rencontres en visio avec les « ancien∙nes du Pôle Sup’93 », nos diplômé∙es !

Le moment nous a semblé idéal pour prendre le temps d’échanger sur leurs parcours depuis leurs « années Pôle » et partager ce que chacun∙es avaient retenu de leur expérience au Pôle Sup’93.

Claire, quelle musicienne êtes-vous devenue ?

Vaste question ! Je suis plutôt chambriste. J’affectionne tout particulièrement créer des ensembles, de petits formats, à géométrie variable avec lesquels je vais pouvoir monter des projets sur le long terme, autour d’un répertoire que je vais choisir. Ces projets peuvent être pluridisciplinaires. Je me sens plus à l’aise dans les petits groupes que comme musicienne d’orchestre, même si j’aime jouer en orchestre. Je me sens plus épanouie dans une activité de chambriste.

Je suis musicienne mais j’ai aussi des casquettes de metteuse en scène, de comédienne, à l’occasion je peux faire des costumes…

Au niveau des styles, je les aborde vraiment tous, à travers toutes les époques, mais j’ai une affection particulière pour la musique contemporaine et la création. Avec l’un de mes ensembles, j’ai fait un spectacle pour faire découvrir la musique contemporaine aux enfants. Nous avons fait tout un travail sur le processus de création, sur comment on écrit une œuvre. Les enfants ont une ouverture, une liberté d’écoute, une créativité naturelle qui fait qu’ils ont peu d’a priori sur la musique contemporaine, par rapport à un public adolescent ou plus âgé. Nous avons pu aller assez loin dans le détail de ce répertoire et aborder des notions d’écriture et de composition : qu’est-ce qu’une variation ? qu’est-ce qu’un ostinato ? qu’est-ce qu’une échelle de notes et comment peut-on les utiliser ?

Ce que j’aime par-dessus tout et que je pratique principalement, c’est la transmission, c’est l’enseignement. J’ai une vie artistique que je développe mais souvent j’allie spectacle et transmission, car je suis passionnée par la pédagogie. Cette passion, j’ai pu la développer au Pôle Sup’93 et depuis, elle n’a fait que s’épanouir. Aujourd’hui, je suis enseignante mais je forme des professeurs, je fais du tutorat, je développe des outils pédagogiques.

Dans quel établissement enseignez-vous ?

J’enseigne principalement au conservatoire du 10e arrondissement de Paris où je suis titulaire depuis quelques années. J’ai eu le concours de la fonction publique puis j’ai été intégrée à la Ville de Paris et j’enseigne aujourd’hui à plein temps. J’interviens à l’occasion dans les parcours PSM (parcours de sensibilisation musicale), qui sont des interventions devant des classes de CP : on va dans les classes ou eux viennent au conservatoire pour des ateliers ou des concerts. Cela donne la possibilité aux professeurs qui le souhaitent de développer des propositions artistiques dans le cadre de l’Éducation artistique et culturelle (EAC). Comme j’ai un duo avec une amie flûtiste, avec lequel je tournais déjà (Sorella), on a investi le répertoire contemporain pour proposer des spectacles dans ce cadre.

Vous aviez déjà cet appétit pour le répertoire contemporain ou c’est au Pôle Sup’93 que vous l’avez développé ?

Un peu des deux ! J’étais déjà très à l’aise dans ce répertoire. J’avais une liberté quand je jouais, que j’avais moins dans les répertoires plus classiques. J’ai dû travailler, notamment au Pôle, pour avoir ce lâcher-prise, cette joie de jouer dans tous les répertoires.

Au Pôle j’ai eu plein d’expériences marquantes autour du répertoire contemporain. J’ai par exemple participé au film Pierrot Lunaire, en partenariat avec l’Université de Paris 8. Cela m’a beaucoup plu. Pour mon projet personnel de DNSPM, j’ai fait un partenariat avec Gonzalo Bustos, qui, à l’époque, était encore dans la classe de composition. Il m’a écrit une œuvre, Ficelles de fer, dont j’ai fait la création. C’était une œuvre très exigeante, une des plus dures que j’ai jouées ! C’était un beau défi instrumental et musical. C’était très éprouvant et en même temps très marquant. C’est un très beau souvenir !

Vous l’avez rejouée par la suite ?

C’était une œuvre avec bande, une sacrée installation et, instrumentalement parlant, c’était une œuvre très difficile à monter donc je ne l’ai pas rejouée, mais j’ai toujours les partitions et ce n’est pas exclu que je la rejoue un jour.

Avez-vous participé à d’autres projets sur la musique contemporaine quand vous étiez au Pôle ?

Oui et j’ai travaillé ce répertoire dans les cours de clarinette avec Valérie Guéroult. Le Pôle m’a donné confiance et m’a permis de développer cet aspect qui me plaisait. Ça m’a confortée dans une place que je pouvais prendre : avoir la possibilité de m’exprimer, être légitime à le faire.

Ce qui m’intéressait beaucoup et ce qui m’intéresse toujours aujourd’hui, c’est de renouveler le format du concert, de sortir de la linéarité du public assis, passif… C’est une réflexion qui est dans l’air du temps, à l’heure où il y a tellement de médias, tellement de façon de « consommer » l’art en général. Est-ce que c’est toujours justifié que des gens se déplacent dans une salle ou dans n’importe quel lieu pour se retrouver face à des artistes ? Est-ce qu’on leur propose la même chose que ce qu’ils peuvent avoir sur un enregistrement à la maison – avec bien sûr la plus-value du « live » ? Est-ce qu’il n’y a pas autre chose à trouver ? Une forme artistique plus complète ?

Avec mes différents groupes, nous réfléchissons à notre entrée sur scène, aux lumières, qui sont très importantes, à l’idée d’une mise en scène totale… Même à partir de la réservation des places, on peut imaginer de créer un univers qui serait unique à chaque groupe, à chaque monde artistique proposé. C’est très vaste comme réflexion et je suis certaine que mon passage au Pôle m’a aidée à nourrir tous ces questionnements. Tous ces gens que j’ai rencontrés au Pôle, les expériences que j’ai pu y vivre m’ont donné matière à réflexion. Quelques petites graines ont été plantées à cette époque et peuvent germer aujourd’hui.

Ces trois années au Pôle ont été très intenses. L’emploi du temps était très chargé ! C’est le moment où j’ai le plus travaillé de ma vie. Et pourtant, je suis une bosseuse. Je faisais parfois des semaines de 70 à 80 heures. Je travaillais comme une malade et j’ai mis du temps à m’en remettre. Tout ce que j’ai emmagasiné pendant ces moments-là se décante et me nourrit aujourd’hui. Je pense que c’est la richesse de ce genre de structures : c’est très dense et très riche, on est dans un tourbillon et c’est souvent très fatigant mais cela infuse sur plusieurs années. C’est donc ce que je souhaite aux étudiants !

Racontez-nous ce que vous avez fait à la sortie du Pôle ?

Je suis sortie en 2015. Certains enseignants m’encourageaient à continuer les études en master. Mais quand on est clarinettiste, il y a très peu de possibilités en France et il faut aller à l’étranger et je n’avais pas envie de partir. Ce dont j’avais vraiment envie, c’était de rentrer dans la vie active et de ne plus être étudiante. J’en avais assez de l’aspect scolaire, j’avais besoin de me libérer. Comme j’ai choisi de tout faire en trois ans (DNSPM + DE), la dernière année au Pôle était intensive. Je me souviens d’une des dernières semaines, j’avais mon passage de DNSPM le lundi, je rendais mon mémoire le mardi et j’étais en soutenance d’un dossier le mercredi !

J’ai eu de la chance car, deux mois avant de valider tous ces diplômes, j’ai été recrutée par le Conservatoire du 10e. À la rentrée 2015, je donnais donc des cours à Paris et, comme c’était ce que je voulais, j’étais très contente.

Artistiquement j’ai eu besoin d’un peu de temps. Au Pôle on fait partie de plein de projets en tant qu’étudiant, on est très sollicités et cela s’arrête à la sortie. On a les copains de promo qui sont dans la même situation. On s’est vus entre nous mais, en général, ça n’a pas abouti sur des projets professionnels. Or, à ce moment-là, on cherche tous à gagner notre vie.

Après quelques mois j’ai commencé à aller vers ce que je fais aujourd’hui, c’est-à-dire allier la musique de chambre avec des spectacles pluridisciplinaires. J’ai fait du théâtre, j’ai fait de la mise en scène, j’ai fait de la création lumières car j’ai aussi des compétences techniques, que j’ai pu développer grâce au pôle et au stage de mise en situation professionnelle que j’ai pu faire dans les équipes de régie d’une scène nationale.

Etes-vous à l’origine des groupes dont vous faites partie ?

La plupart du temps, oui. Certains n’ont pas du tout fonctionné. Je jouais avec un quintette et j’avais plein d’idées pour cette formation mais ça s’est révélé très difficile à réaliser. Chaque musicien avait sa vie, des projets et partait à l’autre bout de la France pour des engagements car on avait tous l’âge de tenter des masters, des concours, etc.

Je me suis aussi investie dans un projet d’académie musicale qui m’a emmenée en Bolivie pendant un mois, avec L'Orchestretto : le Campamento de Música Franco Boliviano. Des amis boliviens ont monté un orchestre, je les ai retrouvés et nous sommes partis faire une académie en Bolivie, avec des masterclasses, des concerts. C’était intense, riche, magnifique. J’ai fait aussi d’autres stages, en Sicile et dans d’autres endroits. J’ai pas mal vadrouillé, j’ai essayé des choses, j’ai répondu présente à des propositions qu’on m’a faites et qui me sortaient de ma zone de confort.

Récemment j’ai rejoint un ensemble de « musiques contemporaines » qui s’appelle PTYX basé en Indre-et-Loire et qui rayonne beaucoup autour et en France. C’est une nouvelle page qui s’ouvre pour moi dans l’univers du contemporain, de la création, de la rencontre avec les compositeurs. Cette fois-ci c’est moi qui rejoins un groupe et c’est très agréable aussi ! C’est une fierté et c’est aussi dans la continuité de tout ce que j’ai fait avant.

La pédagogie vous passionne et aujourd’hui vous êtes aussi formatrice?

J’enseigne depuis l’âge de 18 ans et j’adore ça. Aujourd’hui, j’ai envie de transmettre et partager avec d’autres professeurs. Plus mon expérience s’enrichit, plus je vois des élèves différents, plus je fais des stages, des formations, plus je lis des ouvrages sur la pédagogie, plus j’ai envie de transmettre tout ça ! Je me forme sur la question du handicap, en soundpainting, en pédagogie de groupe, et plus généralement sur tous les sujets qui m’intéressent ou que je maîtrise mal. Je me sens donc de plus en plus armée et j’ai envie de transmettre cela aux étudiants qui ont peu ou pas de pratique d’enseignement. J’ai envie de les aider en leur évitant certains écueils, à trouver des raccourcis pour gagner du temps.

Le travail de pédagogue c’est nécessairement de chercher et de se remettre en question. Néanmoins, c’est bien de se sentir moins perdu, moins démuni face aux situations difficiles. C’est ce que je fais dans le cadre du tutorat pour des élèves qui passent le DE ou pour des étudiants qui viennent observer mes cours. Ça me passionne de parler de mon métier d’enseignante, de dire comment je vois les choses, de parler des différentes ressources que j’ai développées, des lectures, des formations, ce que j’ai accumulé comme expérience même si ce n’est que le début bien sûr . Pourquoi pas, plus tard, devenir formateur de formateur ?

Qu’avez-vous développé comme ressources, comme outils dans votre pédagogie ?

Au Pôle j’ai eu une expérience de pédagogie de groupe. Souvent c’est plutôt pour les premiers cycles mais Valérie Guéroult faisait de la pédagogie de groupe pour les hauts niveaux et c’était passionnant. Surtout que je fais partie des élèves qui n’en ont jamais eu avant : j’ai eu mes cours toute seule ou en format masterclasse. La pédagogie de groupe c’est un outil productif et infini. Les possibilités sont aussi larges que l’imaginaire du professeur et, au Pôle, Valérie Guéroult ne manquait ni d’imaginaire, ni de ressources ! Ça a été une super expérience et j’avais envie de développer ça dans ma classe.

Pendant mes études au Pôle, j’ai commencé à travailler pour le projet DEMOS. Je me suis retrouvée devant un groupe d’enfants qui devaient apprendre l’instrument. On n’était plus du tout dans le format « face à face », j’ai dû chercher des outils pour transmettre dans ce contexte. Quand je suis rentrée au conservatoire du 10e, venaient de se mettre en place les « AMPIC », un cursus d’apprentissage de la musique en collectif. Le conservatoire du 10e est l’un des pionniers de ce cursus, l’un des premiers conservatoires de Paris à l’avoir mis en place, sachant qu’à terme tous les conservatoires de la Ville de Paris vont les développer, cela fait partie de l’offre au même titre que le cursus individuel.

Tous les cours ont lieu en groupe : les cours d’instruments ont lieu avec 3 ou 4 élèves et un professeur. Les cours de FM sont par département : bois, cordes, cuivres, et ont lieu avec un binôme de professeurs. Certains conservatoires de la ville innovent et créent des AMPIC musique ancienne, musique actuelle, les possibilités sont infinies !

Quand je suis arrivée, je me suis retrouvée avec 4 clarinettistes débutants qui étaient dans ce cursus. Il fallait que je leur fasse 1 heure de cours par semaine. J’avais donc « les mains dans le cambouis » mais j’étais très motivée ! Je voulais que ça fonctionne.

J’ai commencé à réfléchir en particulier sur le travail des gammes : comment faire travailler un élève sans que les trois autres s’ennuient, comment faire pour que tous les élèves restent actifs ? Il fallait penser les choses différemment et c’est ça le principe de la pédagogie de groupe : même quand on ne joue pas on reste actif. La graine de ce que j’avais appris au Pôle Sup’ a germé et j’ai fait de la technique à 4. Comme j’avais fait moi-même, mais à leur niveau. Un élève fait la diatonique qui monte, l’autre élève la descend ; les élèves ont chacun une note de l’accord parfait, on travaille la justesse, les départs, l’arrêt du son, etc. J’ai développé toutes les pistes qui me venaient et j’ai fini par créer un jeu.

Au début c’était très rudimentaire : j’avais découpé des feuilles Canson de couleur que j’avais plastifiées et les enfants tiraient les tonalités qu’ils devaient jouer. De cours en cours je faisais évoluer le jeu, avec les difficultés que je pouvais rencontrer avec les élèves. C’était vraiment du « work in progress », c’était passionnant à faire. Je rajoutais des catégories, j’écoutais aussi les suggestions des enfants eux-mêmes. Il a fallu à peu près 5 ans de maturation pour arriver à quelque chose de stable. J’utilisais ce jeu en cours je le faisais évoluer et pour tout dire, c’était un franc succès : mes élèves adoraient faire des gammes ! Quand on présente ce travail sous forme ludique ça marche très bien. C’est un vrai outil pédagogique dans lequel on fait entrer le hasard : il y a un tas de cartes, on en tire une et c’est la surprise : une gamme à jouer dans telle tonalité, telle nuance. Et comme c’est le hasard qui le dit, et pas la professeure, ça passe tout seul. Ça crée une grande motivation, une émulation et aussi de l’entraide que j’encourage bien sûr. Quand l’un tire une carte et qu’il ne sait pas comment répondre, il peut y en avoir un autre qui s’en charge… Ils ont un grand savoir à quatre qu’ils arrivent ainsi à partager.

J’ai ensuite développé un prototype que j’ai fait imprimer et que j’ai appelé Am Stram Gammes. Je suis en train de finaliser les discussions avec un éditeur et il va être édité très bientôt ! J’ai fait des tests partout en France avec des collègues, le jeu a été validé, amélioré. Il va y avoir une version « jeu de base » qui va sortir, à destination de tous les musiciens : pour les cours d’instruments, de formation musicale mais aussi pour les élèves à la maison qui vont y jouer seul, avec leurs parents ou avec leurs frères et sœurs. Il y a aussi une chaine youtube pour accompagner les élèves, les parents, les professeurs. Cela pourra aider notamment les élèves qui n’ont pas de professeurs : les ados qui ont arrêté les cours, par exemple. Il faut que ce jeu puisse s’adapter à tout le monde et que ce soit un outil parmi d’autres.

Ce jeu n’est pas uniquement pour les clarinettistes ?

C’est à destination de tous les instrumentistes. Je suis en train de développer des extensions pour les percussionnistes, les claviéristes… pour que cela puisse convenir à chaque particularité de famille instrumentale. Il y a une approche technique (gammes, tonalité…) dans des aspects très concrets. Je fais en sorte qu’ils comprennent la théorie, qu’ils la « manipulent » (et pour cela je m’inspire de Montessori, de Freinet…). Il y a aussi des questions de théorie et culture musicale sous forme de quizz avec des degrés de difficulté différents, différents niveaux d’apprentissage.

J’ai essayé de faire une sorte d’outil qui soit malléable afin qu’il s’adapte à tous les professeurs. Je n’impose pas une manière de s’en servir, je propose, je laisse les professeurs se l’approprier.

Est-ce que vous avez gardé des contacts avec des étudiants, des professeurs du Pôle Sup’93 ?

J’ai toujours gardé le contact avec Valérie Guéroult, qui est une interlocutrice privilégiée, une figure tutélaire. Je la contacte quand j’ai besoin d’un conseil. J’ai fait une présentation de mon jeu, en tant que prototype, au cours d’une journée pédagogique Selmer que Valérie Guéroult coordonne, par exemple.

Il y a d’autres professeurs qui m’ont marquée : Isabelle Grandet, Philippe Pannier… Ce sont des gens que j’ai recroisés par la suite et, même si je les vois moins, je sais que je peux les recontacter facilement. Il y a une filiation, un lien.

Pour ce qui est de mes camarades de promotion, je suis toujours en contact avec certains, même si on n’a pas forcément de projets ensemble. Faire partie d’une promotion, c’est une chose qui m’attirait beaucoup au Pôle. Je sortais de plusieurs années où je travaillais 6 h toute seule par jour, j’avais vraiment envie d’avoir du monde autour de moi. On a été une bande de copains, on passait toute la journée ensemble et c’était vraiment génial de vivre ça.

Qu’est-ce que pourriez dire à un candidat qui veut se présenter au Pôle Sup’93 ?

J’ai choisi le Pôle Sup’93 pour plein de raisons. Pour son côté un peu « brut », « à construire ». C’était une structure récente quand j’y ai candidaté (je fais partie de la 3e promo) et ça avait une image branchée, contemporaine, dans l’air du temps, plus « underground » que d’autres… ça me plaisait ! Je l’ai choisi aussi pour la liberté qu’il offrait, l’ensemble des possibles. Par exemple, j’ai pu faire mon stage professionnel comme régisseuse au Théâtre de la Commune. C’était incroyable d’avoir eu cette chance, cette liberté ! Qu’on ne m’oblige pas à le valider en allant jouer dans un orchestre (même si je l’ai fait par ailleurs !) mais qu’on me laisse creuser les compétences qui m’attiraient. Ça a été très important pour moi, ça a vraiment compté.

Pour un étudiant qui chercherait où aller, je lui conseillerais de regarder les spécificités des structures, de regarder où est mis l’accent : la créativité, le développement de la personnalité artistique ou autre chose ? Est-ce que nos choix d’étudiants comptent ou est-ce que l’on doit absolument s’insérer, faire le dos rond et ne pas sortir du lot ?

En Île-de-France, le Pôle Sup’93 est la structure qui permet de rencontrer des gens très compétents et des personnalités artistiques fortes. C’est très inspirant. Le Pôle permet aux étudiants de s’épanouir et de développer leur propre personnalité artistique et / ou pédagogique.

Le partenariat avec Paris 8 est aussi important car il met les étudiants en contact avec des professeurs qui sont aussi des figures, des personnalités marquantes, des gens qu’on n’oublie pas ensuite.

C’est une structure que je défends, je suis fière d’y être passée ! J’en parle autour de moi et de tous ces partenariats avec l’IRCAM, avec l’Académie Fratellini car beaucoup ne connaissent pas.

Il y a une ouverture artistique par rapport à d’autres endroits où il est plus difficile d’imaginer qu’on puisse, par exemple, faire un projet avec des circassiens, du théâtre, de la création contemporaine. On sent que c’est plus le lieu pour les profils qui sortent du cadre. C’est un endroit où les gens qui ne rentrent pas dans les cases se sentent mieux qu’ailleurs et où le poids de la structure est plus léger, si on compare avec d’autres structures qui ont beaucoup de notoriété.

Le Pôle c’est une autre proposition et pas une proposition au rabais. Pour moi, la proposition artistique est plus intéressante. On peut aller dans plus de directions, et être accepté comme on est.

Pour moi ç’a été une chance parce que je n’aurais pas pu être ce que je suis maintenant et qui me rend très heureuse. Faire à la fois de la mise en scène, des spectacles pour enfants, des concerts classiques, être pédagogue… Tout cela, j’ai pu le développer parce qu’on ne m’a pas forcée à ne faire qu’une seule chose, on ne m’a pas coupé les ailes.

Ce que je tiens à dire, c’est que les enfants doués pour la musique, on les oriente trop souvent vers le seul CNSMD.

J’ai vécu cette expérience puisque petite, on m’a dit que c’était le CNSMD ou rien. Si je n’y rentrais pas, je ne pourrais pas faire ce métier. Ça été très verrouillant, tétanisant ! Bien sûr les pôles n’existaient pas encore et dans ce contexte c’est plus facile à comprendre aussi.

Mais ce que j’ai du mal à accepter c’est que, même après avoir été prise au Pôle, y avoir passé mes diplômes – qui sont identiques à ceux passés par mes camarades du CNSMD – il y a toujours une sensation d’échec aux yeux de certains… J’ai beau avoir réussi, je n’ai pas fait le CNSMD. Alors que je sais que je n’aurais pas forcément été heureuse et épanouie là-bas.

Comme pédagogue, je mets un point d’honneur à présenter toutes les possibilités, sans ordre d’importance !

Diplômé du Pôle Sup'93 - 
DNSPM en 2015
DE en 2015
Musique classique, romantique, moderne, et contemporaine,.
Clarinette