ENTRETIEN AVEC DALI FENG

Au printemps 2021, pendant le confinement, nous avons initié les rencontres en visio avec les « ancien∙nes du Pôle Sup’93 », nos diplômé∙es !

Le moment nous a semblé idéal pour prendre le temps d’échanger sur leurs parcours depuis leurs « années Pôle » et partager ce que chacun∙es avaient retenu de leur expérience au Pôle Sup’93.

Bonjour Dali ! La toute première question que nous avons envie de vous poser est celle-ci : quel musicien êtes-vous devenu ? Comment vous présenteriez-vous ? 

Je suis devenu un violoniste d’orchestre. Le Pôle Sup'93 a été une étape. En en sortant, je suis devenu professionnel.
J’y ai découvert plein de choses, j’y ai rencontré plein de gens, c’était génial.

On va revenir en détail sur le déroulement de vos études, mais tout d'abord, pourriez-vous nous parler de votre vie d’artiste aujourd’hui, vos projets ? 

Après le Pôle Sup’93, j’ai réussi le concours de l’Orchestre philharmonique de Marseille et depuis j’y travaille. Ce poste me permet de beaucoup travailler pour préparer d’autres concours et de faire de la musique de chambre. Et ça me laisse du temps pour d'autres choses car je suis maintenant bien installé à Marseille, j’ai deux enfants.

J’ai passé de nombreux concours et j’ai réussi celui de premier soliste à Marseille. Pendant un an, j’étais « stagiaire » à ce poste mais je n’ai pas été retenu. On peut dire aimablement que je suis trop gentil, mais, concrètement, je manque un peu de charisme. Et puis, je suis chinois et ce poste demande de savoir très très bien parler français.

Après ce stage vous avez réintégré l’orchestre à quel poste ?

Je suis redevenu violoniste du rang

Il y a la saison à l’orchestre de Marseille et à côté vous faites de la musique de chambre ? 

Chaque année on a une saison de musique de chambre et les musiciens de l’orchestre peuvent proposer des programmes que l’on aime jouer ensemble. De plus, un musicien de l’orchestre qui a déjà un quatuor, le quatuor " Amedro " m’a proposé de remplacer le 2d violon quand celui-ci est parti, il y a un an.

Avez-vous d’autres ensembles ?

Avant, avec Shao Wei Chou, Lola Malique et Florentin Ginot (d’autres étudiants du Pôle Sup’93), on avait monté un ensemble de musique contemporaine « 20 degrés dans le noir ». Cet ensemble existe toujours mais je n’ai pas pu continuer parce que je suis loin, étant à Marseille !

Sinon, je donne beaucoup de cours particuliers et j’ai aussi remplacé une collègue dans une école de musique, à Simiane.

Au Pôle Sup'93, avez-vous passé votre DNSPM et votre DE, ou que votre DNSPM ?

J’ai passé le DNSPM et j’ai été admis au CEFEDEM Île-de-France* mais je n’ai pas pu finir mon DE car j’ai été pris à l’Orchestre de Marseille. C’est un regret : j’ai fait 6 mois au CEFEDEM Île-de-France. Mais je ne suis pas allé au bout car c’était trop compliqué de revenir à Paris.

Pour le DNSPM j’ai dû aussi décaler mon projet personnel*

*Le CEFEDEM Île-de-France existait encore en 2013/2014 : ce fut une année charnière avant son intégration définitive au Pôle Sup’93.
*À l’époque il y avait un projet personnel artistique à réaliser en DNSPM 3e année

Quand avez-vous passé votre DNSPM ? Et qui était votre enseignant ? 

Je devais passer le diplôme en 2014, mais je l’ai eu en 2015. J’étais avec José Alvarez.

J’ai passé le concours pour l’Orchestre de Marseille la dernière année, en novembre/décembre 2013 et je suis rentré à l’orchestre en 2014 (vers mars/avril). J’ai fini au Pôle alors que j’étais déjà à Marseille.

Qu’est-ce que la formation au Pôle Sup'93 vous a apporté, dans le sens le plus large qui soit, à la fois en tant qu’artiste, des compétences, de la découverte, de la musicalité ?

C’était complexe ! Complexe parce que morcelé entre le côté « Pôle » et le côté universitaire. On pense, quand on y est, qu’on perd beaucoup de temps… mais on se rend compte ensuite que c’est important. Aujourd’hui on a besoin de beaucoup plus de choses que de " savoir faire du violon », « faire son instrument ». Il faut s’y connaitre en histoire ou en musicologie. Tout ce qui est en dehors du cours d’instrument est en fait très utile. Et notamment le projet personnel : comment faire son projet ? comment le vendre ?

Et au Pôle, quel était votre projet personnel que vous deviez présenter en dernière année ? 

Mon projet s’appelait Eclipse. Je l’ai fait avec notre ensemble « 20 degrés dans le noir ». Il y avait une pièce pour violon solo de Berio, La Sequenza VIII de Berio pour violon seul, une pièce mixte d’Il-Woong Seo et j'ai terminé par une pièce d’ensemble Sprint, qui avait été commandée à Denis Dufour par notre ensemble.

Si on reprend, il y avait le violon au Pôle Sup'93, mais tout ce qui était autour était très important ? 

Oui, c’était très important. Je pense à tous ces étudiants qui pensent que c’est embêtant de courir à gauche, à droite, que certains cours n’intéressent pas.. On se rend compte ensuite que cela nous enrichit beaucoup. Par exemple, pour notre quatuor, je sais enregistrer. Je saire faire ça car j’ai suivi les cours à Paris 8. Globalement, je sais organiser les choses. Au départ ça m’a bien embêté car j’avais déjà ma licence en Chine mais comme je n’ai pas eu les équivalences, j’ai dû repasser toutes les étapes.

Le côté écrit était difficile et j’avais l’impression de perdre le temps que j’aurai pu ou du passer à travailler mon violon. Mais ça s’est révélé très utile !

Est-ce qu’il y a de choses qui vous ont vraiment marqué au Pôle Sup’93, des rencontres ?

La rencontre avec José Alvarez. C’est la chance, c’est le destin ! Cette rencontre m’a changé. C’est avec lui que j’ai appris à me préparer à 200% pour les concours. Il m’a fait comprendre que ce sont dans les détails qu’on voit un vrai professionnel. La musique, les concours, c’est un art du temps, on ne peut pas reculer, il n’y a qu’une seule une chance. Il faut être nickel pour avoir la première place. Si on n’est pas assez préparé, on laisse une chance à quelqu’un d’autre. Si on est tout le temps deuxième , c’est raté ! C’est lui qui m’a appris comment faire pour arriver premier. Ce n’est pas seulement « savoir faire du violon », c’est une pensée : il sait faire « gagner » ses élèves et il donne beaucoup.

Je suis toujours en contact avec lui, je vais le voir chaque fois que je prépare des concours.

Avez-vous fait d’autres rencontres ?

Avec « 20 degrés dans le noir » on a continué à faire des concerts la première année. Avec d’autres étudiants donc et un percussionniste canadien qui était au CNSMDP

C’est moi qui ai trouvé le nom de l’ensemble : je faisais des photos et cela fait référence au tirage des photos argentique.

Est-ce qu’il vous reste un souvenir marquant du Pôle Sup’93 ?

José ! Et puis être violon solo dans une session d’orchestre.

Comme tous les violonistes, je rêvais de gagner un grand concours international : Paganini, Tchaïkovski, Long-Thibaud…. Un jour, José me ramène à la gare après un cours à Aulnay. On discute et je lui demande ce qu’il pense de mon projet de passer des concours internationaux. Il a réfléchi et il m’a dit : « Pourquoi tu ne veux pas déjà rentrer dans un orchestre ? Déjà il y a 2/3 000 euros qui vont tomber dans ta poche et tu fais d’autres choses en même temps ». Dès la fin de la première année j’ai commencé à travailler les traits d’orchestre ! J’aime l’orchestre : suivre les choses et en même temps avoir son idée. C'est très enrichissant que ce soit pour ma pratique du violon ou pour ma pratique de la musique plus généralement.

Et vous voulez toujours passer un concours international ou ça, c’est fini ?

Il y a la limite d’âge ! Ça me motive toujours mais ça devient compliqué quand on prend de l’âge. Je suis venu en France un peu tard. Ceux qui deviennent des stars font ça très tôt. Je laisse la place à ceux qui sont très forts mais j’évolue toujours. Et je passe les concours d’orchestre !

Pourquoi choisir le Pôle Sup’93 ? Que diriez-vous aux candidats qui hésiteraient entre plusieurs écoles ?

Il a plein de bons professeurs dans toutes les disciplines. C’est une bonne équipe, dynamique et très bien dirigée. Il y a plein d’activités, plein de concerts et c’est d’un très très bon niveau ! On cherche toujours à aller plus loin. On a beaucoup de possibilités pour rencontrer des professionnels qui sont déjà dans le milieu. Et puis j’aime bien l’ambiance, j’aime bien les locaux, en particulier à Aubervilliers ou il y a de la place pour travailler. Et enfin il y a beaucoup de possibilités d’aller faire des concerts à Paris. Par exemple, j’ai été élève « cobaye » au CNSM de Paris, dans les cours d’Isabelle Grandet.
Même si on n’est pas rentrés au CNSMDP, on a une expérience qui n’est pas la même mais qui est très bien aussi. Les professeurs sont aussi bons. D’ailleurs, après le Pôle, on peut accéder au master au CNSMDP.

Voulez -vous rajouter autre chose pour finir cet entretien ? 

Ce n’était pas facile de faire mes études au Pôle Sup'93 mais j’en ai vraiment profité. J’étais très motivé ! J’ai beaucoup travaillé et je n’ai jamais raté un cours. J’ai fait des siestes (rires) mais je n’ai pas perdu une minute ! Les professeurs étaient vraiment généreux.

Je vais continuer et passer les concours pour « grimper » dans l’orchestre, à Marseille ou à Avignon. Je n’ai plus forcément envie d’être premier violon. Cela demande des motivations « politique », il faut ensuite gérer un pupitre, je n’en ai pas très envie. Quand j’ai un solo, je n’arrive pas à manger, je dors mal… Pour tout le monde c’est comme ça et moi je n’ai pas envie de vivre comme ça !  Mais j’ai toujours envie de faire du violon. Je travaille, je me « tiens fort ». Je suis toujours aussi motivé !

Diplômé du Pôle Sup'93 - DNSPM en 2015
Musiques classiques à contemporaines, violon